dimanche, janvier 04, 2009

L'arme a l'oeil de Ken Follett



FICHE
Titre: L'arme à l'oeil
Auteur:
Ken Follett
Catégorie
: Thriller
Editeur:
Le livre de poche
Nombre de pages: 383 (format de poche)

ISBN: 978-2-253-027782


Béo m'a passé ce livre, que je viens de finir. Merci Béo.


L'histoire se situe dans le contexte de la guerre psychologique que se livrent allemands et alliés avant le grand débarquement de Normandie. Un récit du genre "L'aigle s'est envolé" de Jack Higgins et tant d'autres, mais l'auteur a su tenir ses lecteurs en haleine du début à la fin.

En arrière fond l'Angleterre. Le personnage principal: un espion allemand cherchant à donner à son QG des informations stratégiques sur les alliés qui risqueraient de faire changer le cours des événements. Alors commence une chasse à l'homme sans merci. Peu à peu ses atouts tombent les uns après les autres, mais malgré tout l'espion allemand échappe de justesse à ses poursuivants. Jusqu'à quel point ?

Le dénouement nous le dira.

Lecture passionnante que j'ai savouré jour après jour durant ces trois derniers mois. Je retourne ce livre à Béo avant de passer à un autre livre.

Sinon je suis entrain de rattraper le temps perdu. Toujours en congé, vaqué mes loisirs à dormir, lire regarder un bon film à la télé ou aller au cinéma. Dans un tout autre domaine, je viens de m'acheter une friteuse électrique qui ne nécessite qu'une cuillière à soupe d'huile pour frire un kilo de frites. Très sympa, sauf que ma machine Tefal fait beaucoup de bruits en marche. Je vais me renseigner pour voir si c'est normal ou non.

En plus des frites j'y fais frire des tofus coupés en dés. Un moyen commode pour gagner du temps et fini les mauvaises odeurs de friture qui collent aux vêtements.

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18 Commentaires:

Blogger Beo said...

J'ai bien aimé moi aussi! J'ai remarqué que tu lis un autre Follet que je n'ai pas lu encore. Si jamais tu le fais circuler: je suis très intéressée!

Sinon: la friteuse je l'ai depuis une année et c'est vrai que c'est bruyant. Mais mon problème c'est surtout qu'elle prends tant d'espace que je pense rarement de la sortir de son rangement pour l'utiliser. Je sais: c'est con!

dimanche, janvier 04, 2009 6:35:00 PM  
Blogger Lancelot said...

@Beo
C'est quoi l'autre Follet ? Peut être que tu prenais mes désirs pour la réalité ! :-)

En effet je viens de rajouter dans ma "wish list" deux Follet dont une bloggeuse venait chez moi vanter les mérites: “Les piliers de la terre” et “Le réseau Corneille”. Est ce l'un des 2 à quoi t'as fait allusion ?

Pour ce qui est de la friteuse, elle occupe en effet un peu d'espace mais comme c'est sain (1cs d'huile seulement) alors elle trône en permanence sur mon plan de travail, sauf que je la range le jour de passage de ma femme de ménage !

dimanche, janvier 04, 2009 6:46:00 PM  
Blogger Beo said...

Non mais: il faut vraiment que je la ressorte ma friteuse!

Oui: c'est à partir de ta wish list que j'ai vu le réseau Corneille, he he!

J'ai encore pas mal de trucs à lire, on verra si je l'achète plus tard!

dimanche, janvier 04, 2009 7:21:00 PM  
Blogger Lancelot said...

@Beo
Si j'ai le temps je vais l'emprunter carrément à la bibliothèque municipale ou du canton de Genève.

dimanche, janvier 04, 2009 7:27:00 PM  
Blogger Brigetoun said...

du bon classique

lundi, janvier 05, 2009 6:30:00 AM  
Blogger Muse said...

De mon côté j'ai abandonné toute friture, mais bon!
Le livre semble intéressant; tu pourrais nous en mettre un petit passage pour nous faire goûter le style de l'auteur.

lundi, janvier 05, 2009 6:34:00 PM  
Blogger Lancelot said...

@Muse
Malheureusement j'ai rendu le livre à Beo. Mais tu peux lui demander de te le faire parvenir, c'est ce que nous procédons nous deux.

lundi, janvier 05, 2009 7:39:00 PM  
Blogger Lancelot said...

@Muse
J'ai trouvé sur internet un extrait de "Un monde sans fin" de Ken Follett:
Prologue
1123
Les jeunes garçons arrivèrent de bonne heure pour la pendaison. Il faisait encore sombre quand les trois ou quatre premiers d'entre eux s'étaient glissés hors de leur taudis, silencieux comme des chats dans leurs bottes de feutre. Une mince pellicule de neige fraîche recouvrait la petite ville, comme une couche de peinture neuve, et leurs empreintes furent les premières à en souiller la surface immaculée. Ils passèrent entre les huttes de bois serrées les unes contre les autres et suivirent les rues, où la boue avait gelé, jusqu'à la place du marché silencieuse où la potence attendait.
Les garçons méprisaient tout ce que leurs aînés appréciaient. Ils dédaignaient la beauté et raillaient la bonté. Ils éclataient de rire à la vue d'un infirme et, s'ils apercevaient un animal blessé, ils le lapidaient à mort. Ils se vantaient de leurs blessures, ils arboraient avec orgueil leurs cicatrices, et réservaient leur admiration toute particulière aux mutilations : un garçon à qui il manquait un doigt, c'était un roi. Ils adoraient la violence : ils pouvaient parcourir des lieues pour voir le sang couler et jamais ils ne manquaient une pendaison. Un des garçons pissa au pied de la potence. Un autre gravit les marches de l'échafaud, posa ses pouces sur sa gorge et s'affala, le visage crispé dans une macabre parodie de strangulation ; les autres s'exclamèrent d'admiration, et deux chiens débouchèrent sur la place du marché en aboyant. Un très jeune garçon commença imprudemment à croquer une pomme et un des aînés lui donna un coup de poing sur le nez et la lui vola. Le cadet se soulagea en lançant une pierre aiguisée sur un chien qui rentra chez lui en hurlant. Puis il n'y eut plus rien à faire, alors ils s'accroupirent sur le pavé sec du portail de la grande église, attendant qu'il se passe quelque chose.
La lueur des chandelles vacilla derrière les volets des maisons cossues de bois et de pierre, alignées tout autour de la place, demeures d'artisans et de négociants prospères. Déjà les servantes et les apprentis allumaient les feux, faisaient chauffer l'eau et préparaient le porridge. Le ciel vira du noir au gris. Les gens sortirent de chez eux, baissant la tête au passage du seuil de la porte, emmitouflés dans de lourds manteaux de grosse laine, et descendirent en frissonnant jusqu'à la rivière où ils s'approvisionnaient en eau.
Bientôt un groupe de jeunes gens, valets d'écurie, ouvriers et apprentis, firent leur entrée sur la place du marché. Ils chassèrent à coups de pied et à coups de poing les jeunes garçons du porche de l'église, puis s'adossèrent aux arches de pierre sculptées, se grattant, crachant par terre et discutant avec une assurance étudiée de la mort par pendaison. S'il a de la chance, dit l'un d'eux, son cou se brise dès qu'il tombe, c'est un trépas rapide et sans douleur : mais sinon, il reste suspendu là à devenir cramoisi, sa bouche s'ouvrant et se fermant comme un poisson hors de l'eau, jusqu'à ce qu'il s'étrangle ; un autre affirma que mourir de cette façon peut prendre le temps qu'il faut à un homme pour parcourir une demi-lieue ; et un troisième déclara que ce pouvait être encore pire, qu'il avait assisté à une pendaison où, le temps que l'homme soit mort, son cou avait un pied de long.
Les vieilles femmes formaient un groupe de l'autre côté de la place, aussi loin que possible des jeunes gens qui risquaient de crier des remarques vulgaires à leurs grands-mères. Elles s'éveillaient toujours de bon matin, les vieilles, même si elles n'avaient plus à s'inquiéter de bébés ni d'enfants ; elles étaient les premières à avoir leurs feux allumés et leurs âtres balayés. Leur meneuse reconnue, la robuste veuve Brewster, vint les rejoindre, roulant un tonneau de bière aussi facilement qu'un enfant pousse un cerceau. Elle n'avait pas eu le temps d'ôter le couvercle qu'attendait déjà une petite foule de clients avec des cruches et des seaux.
Le bailli du prévôt ouvrit la grande porte, pour laisser entrer les paysans qui habitaient le faubourg, dans les maisons adossées au mur de la ville. Les uns apportaient des œufs, du lait et du beurre frais à vendre, d'autres venaient acheter de la bière ou du pain, d'autres encore restèrent sur la place du marché en attendant la pendaison. De temps en temps, les gens levaient la tête, comme des moineaux inquiets, et jetaient un coup d'œil au château sur la colline qui dominait la ville. Ils voyaient la fumée monter régulièrement de la cuisine et parfois la lueur d'une torche derrière les fenêtres en meurtrière du donjon de pierre. Et puis, au moment où le soleil devait commencer à se lever derrière l'épais nuage gris, les lourdes portes en bois du poste de garde s'ouvrirent et un petit groupe apparut. Le prévôt allait en tête, montant un beau cheval noir, suivi d'un char à bœufs transportant le prisonnier ligoté. Derrière le chariot chevauchaient trois hommes. Bien que d'aussi loin on ne pût distinguer leurs visages, leurs vêtements révélaient qu'il s'agissait d'un chevalier, d'un prêtre et d'un moine. Deux hommes d'armes fermaient la marche.
Ils s'étaient tous rendus la veille à la cour de justice du comté, qui se tenait dans la nef de l'église. Le prêtre avait surpris le voleur la main dans le sac ; le moine avait identifié le calice d'argent comme appartenant au monastère ; le chevalier était le suzerain du voleur, il l'avait reconnu comme un fugitif ; et le prévôt l'avait condamné à mort.
Tandis qu'ils descendaient lentement la colline, le reste de la ville se groupa autour de l'échafaud. Parmi les derniers à arriver, les notables : le boucher, le boulanger, deux tanneurs, deux forgerons, le coutelier et l'armurier, tous avec leurs épouses.
La foule était d'humeur bizarre. En général on aimait bien une pendaison. Le prisonnier était d'ordinaire un voleur et ils détestaient les voleurs avec la passion de gens qui ont durement gagné ce qu'ils possèdent. Mais ce voleur-là n'était pas comme les autres. Personne ne savait qui il était ni d'où il venait. Ce n'étaient pas eux qu'il avait volés, mais un monastère à huit lieues d'ici.
Il avait volé un calice orné de joyaux, un objet d'une si grande valeur qu'il était pratiquement impossible à revendre : ce n'était pas comme voler un jambon, un couteau neuf ou une belle ceinture, dont la perte nuirait à quelqu'un. On ne pouvait pas haïr un homme pour un crime si absurde. Il y eut quelques lazzis et quelques railleries quand le prisonnier pénétra sur la place du marché, mais les injures manquaient de conviction et seuls les jeunes garçons se moquaient de lui avec un certain enthousiasme.
La plupart des gens de la ville n'étaient pas au tribunal, car les jours de cession n'étaient pas fériés, et ils devaient tous gagner leur vie, aussi était-ce la première fois qu'ils voyaient le voleur. Celui-ci paraissait très jeune, entre vingt et trente ans. De taille et de stature normales, il avait pourtant un aspect étrange, dû à sa peau aussi blanche que la neige sur les toits, à ses yeux protubérants d'un vert clair extraordinaire et à ses cheveux couleur carotte. Les filles le trouvèrent laid ; les vieilles le plaignirent ; et les petits garçons rirent en se roulant par terre.
Le prévôt était un personnage familier, mais les trois autres hommes qui avaient scellé le destin du voleur étaient des étrangers. Le chevalier, un gros homme aux cheveux jaunes, était de toute évidence quelqu'un d'une certaine importance, car il montait un destrier, une énorme bête qui coûtait autant d'argent qu'un charpentier en gagne en dix ans. Le moine était beaucoup plus âgé, au moins cinquante ans, un grand homme maigre affalé sur sa selle, comme si la vie était pour lui un fardeau accablant. Le plus remarquable était le prêtre, un jeune homme au nez pointu et aux cheveux noirs et plats, vêtu d'une robe noire et chevauchant un étalon bai. Il avait l'air vif et dangereux d'un chat noir flairant un nid de souriceaux.
Un gamin visa avec soin et cracha sur le prisonnier. Il avait bien ajusté son tir et toucha l'homme entre les yeux. Le condamné grommela un juron et voulut se jeter sur le cracheur, mais il était retenu par les cordes qui l'attachaient aux ridelles de la charrette. Incident banal, sinon que le prisonnier parlait en français normand, la langue des seigneurs. Ce jeune homme était-il de haute naissance ? ou simplement loin de chez lui ?

lundi, janvier 05, 2009 7:46:00 PM  
Blogger Lancelot said...

@Muse
Voici un extrait de "Les piliers de la terre" de Ken Follett:

Gwenda n'avait pas peur du noir, et pourtant elle n'avait que huit ans.
Quand elle ouvrit les yeux et ne vit que l'obscurité autour d'elle, elle n'en fut aucunement effrayée. Elle savait où elle se trouvait : étendue à même le sol sur de la paille, auprès de sa mère, dans le long bâtiment en pierre du prieuré de Kingsbridge qu'on appelait l'hospice. À en juger d'après la chaude odeur de lait qui chatouillait ses narines, Ma devait nourrir le bébé qui venait de naître et n'avait pas encore de nom. À côté d'elle, il y avait Pa et, juste après, Philémon, son frère de douze ans. Plus loin, d'autres familles se serraient les unes contre les autres, comme des moutons dans un enclos. Mais, bien que la salle soit bondée, dans le noir, on ne les distinguait pas. On sentait seulement l'odeur puissante de leurs corps chauds.
La naissance de l'aube annoncerait la Toussaint - fête d'autant plus remarquable cette année qu'elle tombait un dimanche. La nuit sur le point de s'achever clôturait une journée de grands dangers car, en cette veille du jour où l'on célébrait tous les saints, les esprits malins se déchaînaient et rôdaient en liberté de par le monde. Tout un chacun le savait, et Gwenda ne faisait pas exception. C'était pour se tenir à l'écart de ce péril que les centaines de fidèles à l'instar de sa famille étaient venus des villages voisins se réfugier dans ce lieu sacré qu'était le prieuré pour y attendre l'heure de se rendre à matines.
Comme toute personne dotée d'un tant soit peu de raison, Gwenda se méfiait des esprits mauvais. Toutefois, il était une chose qu'elle appréhendait plus encore, une chose qu'elle devrait accomplir pendant l'office. Pour l'heure, elle s'efforçait de la chasser de ses pensées, tout en scrutant la morne obscurité alentour. Le mur en face d'elle était percé d'une fenêtre en ogive - plus exactement d'une ouverture sans vitre, car seuls les édifices les plus importants possédaient de véritables fenêtres avec des vitres, comme on le lui avait expliqué. Ici, une tenture en lin empêchait l'air froid de l'automne de pénétrer - une tenture épaisse, assurément, car le mur était d'une même noirceur opaque d'un bout à l'autre. Pour une petite fille qui redoutait tant l'arrivée du matin, ces ténèbres avaient quelque chose de rassurant.
Contrairement à ses yeux qui ne voyaient rien de ce qui se passait autour d'elle, ses oreilles percevaient une multitude de sons faciles à déchiffrer : l'incessant chuchotement de la paille sous les dormeurs qui remuaient dans leur sommeil ; un pleur d'enfant réveillé par un rêve et aussitôt calmé par un doux murmure ; une phrase lancée à haute voix, ou plutôt une suite de syllabes bredouillées par une personne assoupie. Et puis, quelque part, le bruit d'un couple s'adonnant à ce que ses parents faisaient eux aussi de temps en temps, mais dont ils ne parlaient jamais et que Gwenda appelait « grogner » parce qu'elle n'avait pas de nom pour qualifier cet acte.
Très vite, bien trop vite, une lumière apparut au fond de cette salle tout en longueur, derrière l'autel, à l'est. Un moine venait d'entrer, une chandelle à la main. L'ayant déposée sur l'autel, il y enflamma un cierge. Muni de sa lumière, il entreprit ensuite de longer le mur, touchant de sa flamme les cierges sur son passage. À chaque fois qu'il s'enfonçait dans l'obscurité pour allumer la mèche suivante, son ombre s'étirait jusqu'à atteindre la voûte.
La lumière, en devenant plus forte, révélait peu à peu les silhouettes affalées sur le sol, enveloppées dans des manteaux de toile bise ou blotties les unes contre les autres pour se tenir chaud. On apercevait déjà les malades installés sur des paillasses près de l'autel afin de tirer un plus grand bénéfice de la sainteté du lieu. À l'autre bout de la salle, on devinait l'escalier qui menait à l'étage et aux salles réservées aux visiteurs de la noblesse. Pour l'heure, plusieurs d'entre elles étaient occupées par le comte de Shiring et les siens.
Se penchant au-dessus de Gwenda pour allumer le lumignon situé bien plus haut que sa tête, le moine croisa son regard et lui sourit. Elle fixa son jeune et beau visage et reconnut en lui, à la lumière vacillante de son cierge, un certain frère Godwyn qui avait parlé très gentiment à Philémon, hier soir.
La place à côté de Gwenda était occupée par une famille de paysans prospères du même village qu'elle. Samuel, le père, avait en métayage de grandes terres. L'accompagnaient sa femme et ses deux fils. Le plus jeune, Wulfric, qui avait six ans, ne trouvait rien de plus drôle au monde que de lancer des glands sur les filles et de courir ensuite se cacher.
La famille de Gwenda n'était pas riche. Son père ne possédait pas le moindre lopin de terre ; il louait ses services à la journée à qui voulait bien l'engager. En été, le travail ne manquait pas mais, après la moisson, à l'arrivée des frimas, la famille souffrait souvent de la faim.
Et pour survivre Gwenda était obligée de voler.
Elle imaginait souvent le jour où elle se ferait prendre la main dans le sac : une forte poigne retiendrait son bras et elle aurait beau se tortiller en tous sens, elle ne parviendrait pas à s'échapper. Une voix profonde s'exclamerait alors avec une joie cruelle : « Ah, ah ! Je te tiens, petite voleuse ! » Quelle douleur et quelle humiliation ce serait que d'être flagellée ! Et ce ne serait rien comparé au supplice d'avoir la main coupée !
Son père avait connu ce châtiment ; son bras gauche se terminait par un affreux moignon. Oh, cela ne le gênait pas pour manier la pelle, seller un cheval ou même fabriquer des filets pour attraper les oiseaux ; mais il était toujours le dernier journalier à être engagé au printemps et le premier à être congédié à l'automne. Cette amputation qui le désignait comme voleur l'empêchait de quitter son village pour trouver du travail ailleurs : personne ne voulait l'embaucher. C'est pourquoi, quand il partait en voyage, il attachait à son moignon un gant bourré de son - pour éviter d'être tenu à l'écart. Son leurre, hélas, ne trompait personne.
Gwenda n'avait pas assisté au châtiment de son père, n'étant pas encore née à l'époque. Cependant, elle s'était souvent représenté la scène et elle se voyait maintenant la subissant à son tour. Elle voyait au ralenti la hache s'abaisser vers son poignet, le fer affûté trancher sa peau et ses os, séparant sa main de son bras d'une façon si définitive qu'il n'y aurait pas moyen de les recoudre ensemble. Quand ce tableau se formait dans son esprit, elle gardait toujours les dents serrées très fort pour s'empêcher de hurler.
Dans l'assistance, les gens s'étiraient et bâillaient, se frottaient le visage. Gwenda se leva et secoua ses vêtements. Tout ce qu'elle portait sur elle en ce moment lui venait de son frère - la chemise de laine qui lui descendait jusqu'aux genoux, de même que la tunique qu'elle enfilait par-dessus et serrait à la taille avec une corde de chanvre. Ses chaussures avaient eu des lacets autrefois, mais ils étaient perdus et les œillets étaient déchirés. Voilà pourquoi elle attachait ses savates à l'aide d'une tresse de paille. Ayant fourré ses cheveux sous un bonnet en queues d'écureuil, elle jugea sa toilette achevée.
Elle croisa le regard de son père. Celui-ci lui désignait furtivement une famille de l'autre côté de la travée : c'était un couple d'âge moyen accompagné de deux garçons plus âgés qu'elle. Le père, de petite taille et chétif, avait une barbe rousse frisée. Il était en train de boucler un ceinturon auquel était pendue une épée. C'était donc un homme d'armes, voire un chevalier, car le bas peuple n'était pas autorisé à porter l'épée. Son épouse, une femme maigre et brusque, n'offrait pas un visage avenant. Frère Godwyn les saluait d'une inclinaison de la tête empreinte de respect. « Bonjour, sieur Gérald et dame Maud. »
Gwenda repéra l'objet qui avait attiré l'attention de son père : la bourse suspendue par un lien de cuir à la ceinture de sieur Gérald - une bourse rebondie qui devait certainement contenir plusieurs centaines de ces pièces de cuivre et de ces piécettes d'argent d'un penny et d'un demi-penny qui avaient cours en Angleterre, l'équivalent de ce que Pa gagnait en toute une année quand il arrivait à se faire embaucher. Autrement dit, largement de quoi nourrir toute la famille jusqu'aux labours du printemps. Qui sait ? Cette bourse contenait peut-être aussi des pièces d'or étrangères, des florins de Florence ou des ducats de Venise.
Gwenda possédait, attaché à une corde autour de son cou, un petit fourreau en bois contenant un couteau dont la lame pointue viendrait facilement à bout de ce lien. Et la grosse bourse chuterait alors dans sa petite main. À condition que sieur Gérald ne sente pas ses gestes et ne retienne pas son bras avant qu'elle n'ait eu le temps d'accomplir son forfait...
D'une voix forte destinée à couvrir le bourdonnement des conversations, frère Godwyn déclara : « Pour l'amour du Christ qui nous enseigne la charité, un petit déjeuner vous sera servi après l'office de la Toussaint. En attendant, il y a de l'eau potable à la fontaine de la cour. Rappelez-vous, s'il vous plaît, qu'il est interdit de pisser à l'intérieur de ces murs. Veuillez utiliser les latrines situées à l'extérieur ! »
Les moines et les sœurs veillaient avec rigueur au respect de la propreté. La nuit dernière, Godwyn avait attrapé un garçon de six ans se soulageant dans un coin. Toute la famille avait été expulsée de l'hospice. Si ces malheureux n'avaient pas eu un sou en poche pour payer l'aubergiste, il était à croire qu'ils auraient passé cette nuit d'octobre à trembler de froid sur le perron de pierre de la cathédrale, se dit Gwenda. Peut-être en compagnie de Hop, son chien à trois pattes qu'elle avait dû abandonner, car il était également interdit de faire entrer un animal dans l'hospice. Elle se demanda où il avait passé la nuit.
Une fois toutes les lumières allumées, Godwyn ouvrit le grand portail de bois donnant sur l'extérieur. L'air de la nuit qui s'engouffra tout d'un coup vint mordre les oreilles et le bout du nez de Gwenda. Resserrant leurs manteaux autour d'eux, les hôtes de la nuit commencèrent à s'éparpiller dans la cour. Quand sieur Gérald et les siens prirent place dans la queue, Pa et Ma se retrouvèrent juste derrière eux. Gwenda et son frère leur emboîtèrent le pas.
Jusqu'à ce jour, c'était Philémon qui se chargeait des rapines. Hier, il avait failli se faire prendre au marché de Kingsbridge juste au moment où il subtilisait sur l'étal d'un marchand italien une petite fiole contenant une huile de prix. Il l'avait laissée tomber par terre à la vue de tous. Par chance, elle ne s'était pas brisée, mais il avait été obligé de prétendre l'avoir renversée par inadvertance.
Au cours de l'année passée, son frère, jadis fluet et adroit comme elle, avait grandi de plusieurs pouces. Sa voix changeait de ton au milieu des phrases. Surtout, il avait perdu toute adresse. À croire qu'il ne savait pas comment utiliser ce grand corps devenu le sien. Hier soir, après la scène de la fiole, Pa avait déclaré qu'il était trop grand pour être un bon voleur et que dorénavant Gwenda prendrait la relève.
Voilà pourquoi elle était restée éveillée une longue partie de la nuit.

lundi, janvier 05, 2009 7:48:00 PM  
Blogger Beo said...

J'ai ressorti ma friteuse ce soir pour faire des potatoes.

Je sais pas si j'ai tout faux avec l'huile mais je trouve qu'elles sont demeurées très grasses tout en étant bien cuites au moins 3 minutes avant le temps indiqué :(

Elles étaient bien bonnes quand même. J'ai pu me faire confirmer qu'elle est très bruyante comme machine, he he!

mercredi, janvier 07, 2009 8:11:00 PM  
Blogger Lancelot said...

@Beo
On n'a peut être pas la même machine. La tienne c'est un Tefal, et la tienne ?

Je suis assez content des résultats, sauf qu'elle fait du bruit.

mercredi, janvier 07, 2009 11:23:00 PM  
Anonymous Anonyme said...

Bonsoir Lancelot!
Encore une fois bonne et heureuse année!
Je n'ai plus de friteuse, je l'ai donnée à mes enfants-étudiants :)Elle était silencieuse. Je ne me souviens plus de marque :)
Bises A bientôt

vendredi, janvier 09, 2009 9:17:00 PM  
Blogger Beo said...

C'est la Tefal moi aussi :)

samedi, janvier 10, 2009 1:22:00 PM  
Blogger Lancelot said...

@Beo
Ah ! Un défaut de fabrication. Si j'ai le temps, je me renseignerai comment ça se passe avec la marque SEB. Te tiendrait au courant.
Bonne soirée.

dimanche, janvier 11, 2009 9:51:00 PM  
Anonymous Biazot said...

J'adore Ken Follett.
Mes préférés sont :
Les piliers de la terre
Un monde sans fin
Le troisième jumeau
Apocalypse sur commande

Bon dimanche, Sabine

dimanche, juillet 05, 2009 10:55:00 AM  
Blogger Lancelot said...

Merci Sabine pour tes bonnes recommandations. J'ai les ai noté. Par contre je n'ai pas beaucoup apprécié Apocalypse sur commande. J'ai fermé le bouquin après les quelques vingtaines premières pages.

mercredi, juillet 08, 2009 10:12:00 PM  
Blogger Beo said...

Tiens donc... je profite de cette apparition pour te souhaiter un bel anniv, même si c'est pas mal sur la fin ;)

mercredi, juillet 08, 2009 10:15:00 PM  
Blogger Lancelot said...

Merci Beo de ton passage et de tes voeux. Toujours plaisir à te lire. Bizz

mercredi, juillet 08, 2009 10:21:00 PM  

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